wmm

Dialogue franco-allemand pour le développement durable : construire un avenir en commun

Otzenhausen, lieu de rencontre pour solutions durables – par-delà les frontières

 

DSC00190
Jerôme Spinoza, consul général de France en Sarre, prononce son discours d’ouverture à l’Académie européenne d’Otzenhausen. © Oliver Thom

 

Les 25 et 26 octobre 2025, l’Académie européenne d’Otzenhausen a accueilli la troisième édition du Dialogue Franco-Allemand pour le développement durable, organisée conjointement par l’Université franco-allemande (UFA) et l’ASKO Europa-Stiftung, avec la participation de l’Umwelt-Campus Birkenfeld de l’Université de Trèves. Réunis sous la devise « Thèmes critiques, solutions communes : façonner un avenir durable », expert*es et personnalités issues des milieux scientifiques, politiques et économiques ont débattu des grands défis de notre temps. Au vu des crises mondiales telles que les catastrophes naturelles en lien avec le climat et les tensions géopolitiques, leurs échanges ont clairement démontré que le développement durable ne devait pas être relégué au second plan, mais nécessite plus que jamais un dialogue transfrontalier.

 

Des impulsions en faveur d’une société plus durable

Lors de la séance d’ouverture, Meike Kartes, membre du comité directeur de l’ASKO Europa-Stiftung et directrice générale de l’Académie européenne d’Otzenhausen, Eva Martha Eckrammer, présidente de l’UFA, et les invités d’honneur Jakob von Weizäcker, ministre des Finances et des Sciences du Land de Sarre, et Jérôme Spinoza, Consul général de France en Sarre, ont souligné l’urgence à agir ensemble. Mme Eckkrammer a rappelé qu’en Allemagne et en Europe, les jeunes étaient particulièrement sensibilisés aux thématiques environnementales. Elle a également insisté sur l’importance de diffuser les connaissances scientifiques au sein de la société et d’agir dans un esprit de partenariat : « Ce n’est qu’en unissant nos efforts que nous pourrons atteindre le niveau de développement durable nécessaire pour que les générations futures puissent bénéficier elles aussi d’une vie agréable. »
Jakob Von Weizäcker a mis en garde contre la tendance à privilégier les solutions court-termistes par rapport aux réflexions de long terme. En référence aux multiples crises auxquelles doit actuellement faire face la politique allemande et internationale, il a fait la déclaration suivante : « Toutes ces questions sont en train d’évincer du champ politique les sujets classiques en lien avec le développement durable, ce qui est dangereux ! ».

Jérôme Spinoza a insisté sur le rôle de la coopération qui est par exemple à l’œuvre lors de la signature d’accords sur la protection du climat ou sur la politique énergétique, et a mis en garde contre les dangers d’un retrait des traités internationaux. À ses yeux, l’importance du développement durable ne se limite pas à la seule protection de l’environnement. Les processus politiques doivent, eux aussi, répondre à des exigences de durabilité afin de garantir la stabilité des décisions qui en résultent.

Surveillance de la biodiversité, défis et importance sociétale

La conférence d’ouverture donnée par Henrik Krehenwinkel, professeur de biogéographie à l’Université de Trèves, a démontré avec brio combien la biologie moléculaire moderne et de nouvelles méthodes telles que le codage à barres de l’ADN ou la surveillance de l’ADN environnemental (ADNe) contribuent à mettre en lumière les modifications de la biodiversité. Ces nouvelles méthodes de surveillance de la biodiversité permettent de dégager des conclusions surprenantes : ainsi, alors que de nos jours la biodiversité au sein d’un même écosystème ne diminue généralement pas, la composition des communautés biologiques qui le constituent subit de profondes modifications.

L’auditoire s’est montré particulièrement impressionné par la dimension pratique de l’intervention de Henrik Krehenwinkel. Les participants ont par exemple appris que les procédés modernes permettaient d’identifier génétiquement jusqu’à 400 espèces d’insectes dans chaque sachet de thé et que les chercheurs pouvaient, à partir de petits échantillons d’eau, fournir des informations sur les poissons et autres organismes vivants d’un écosystème.

Les villes, levier de la transformation durable

Placée sous le thème « Biodiversité et durabilité », la première table ronde a réuni Rita Jacob Bauer, directrice du Parc naturel régional des Vosges du Nord, Patrick Stefan Rheinert, architecte et fondateur de l’agence Architecture4Future ainsi que Stefan Stoll, professeur en aménagement environnemental à l’Umwelt-Campus Birkenfeld de l’Université de Trèves. Au cours du débat animé par Eva Martha Eckkrammer, les intervenants ont échangé sur les moyens de rendre les villes plus agréables à vivre et plus résilientes sur le plan écologique. Karl Mathias Wanzen, Titulaire de la chaire d’excellence EUCOR « Water and Sustainability » à l’Université de Strasbourg et de la chaire UNESCO « Rivers and Heritage/River Culture » à l’Université de Tours,, a contribué aux discussions à travers un message vidéo. Les débats de cette table ronde ont principalement porté sur la lutte contre l’imperméabilisation des sols, la végétalisation, les concepts de parcs naturels, l’utilisation multifonctionnelle des bâtiments et les modèles de villes-éponges. Les discussions ont montré que les espaces urbains ne constituent pas seulement des défis, mais renferment également des potentiels pour davantage de biodiversité et d’intégration sociale. En même temps, il a été souligné que, pour garantir un développement durable, la nature avait besoin de droits propres et d’une représentation forte : « Nous avons un problème de représentation. Qui peut parler au nom de l’environnement ? La nature n’est pas présente autour de la table lorsque ces sujets sont négociés », a déclaré Stefan Stoll en résumé du défi à relever.

L’approvisionnement énergétique de demain – unissons nos forces

La deuxième table ronde était consacrée à l’approvisionnement énergétique, et plus particulièrement aux divergences ainsi qu’aux synergies existant entre la France et l’Allemagne dans ce domaine. Avaient été invité*es comme intervenant*es : Benjamin Beuerle, co-responsable au sein du Centre Marc Bloch du pôle de recherche « Environnement, climat, énergie », Eva Hauser, coordinatrice de recherche à l’Institut für ZukunftsEnergie- und Stoffstromsysteme (IZES) et Luc Désiré Omgba, professeur en sciences économiques à l’Université de Lorraine. La modération était assurée par Sabine Löbbe, présidente de la Hochschule Reutlingen.

Parmi les différences entre la France et l’Allemagne, les participant*es à la discussion ont souligné entre autres les positions divergentes dans le domaine de l’énergie nucléaire. Cependant, ils ont également insisté sur le fait que les deux pays pouvaient apprendre l’un de l’autre. En ce qui concerne les exemples français de bonnes pratiques, on peut citer les aides financières accordées aux ménages en fonction de leurs revenus pour l’installation de panneaux solaires, et les tarifs d’électricité variables au cours de la journée qui permettent de mieux exploiter la production d’électricité disponible. De son côté, l’Allemagne s’est distinguée par son niveau de développement des énergies renouvelables. De même, le système fédéral allemand facilite la mise en place de solutions décentralisées, ce qui favorise un approvisionnement en chaleur respectueux de l’environnement.

Espace, architecture et villes intelligentes : des impulsions en faveur du développement durable

La troisième table ronde a rassemblé expert*es et personnes issues du monde du travail qui ont débattu des défis et des opportunités que représente le développement urbain et régional durable. La modération était assurée par Catherine Gall, Directrice exécutive de la chaire « Entrepreneuriat Territoire Innovation » de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Étaient présent*es autour de la table : Emmanuelle Heyer, ingénieure Smart City auprès du Fraunhofer-Institut für Experimentelles Software Engineering (IESE), Marie-Léa Rousseau, attachée pour la Science et la Technologie auprès de l’Ambassade de France en Allemagne, Jan-Philipp Exner, membre du comité directeur de la start-up East Side Fab et Senior Project Engineer Smart City à la société ZENNER International GmbH & Co. KG, et Klaus Helling, doyen de la faculté d’économie et de droit environnemental à l’Umwelt-Campus Birkenfeld de l’Université de Trèves.

Les échanges ont principalement porté sur le rôle des villes et des régions intelligentes, l’importance des processus participatifs et les défis liés à la mise en œuvre pratique des solutions numériques. Les expert*es ont souligné que les innovations technologiques étaient certes disponibles, mais que pour créer des villes réellement agréables à vivre, l’élément-clé résidait dans la mise en réseau des acteur*rices, la participation citoyenne et une stratégie locale claire. « Nous avons non seulement besoin d’une mise en réseau des données, mais également des citoyen*nes », tel que l’a parfaitement résumé Jan-Philipp Exner. Des exemples en provenance de Berlin, de Paris et de Birkenfeld ont montré combien les difficultés rencontrées et les solutions proposées pour les résoudre peuvent être différentes. Les participant*es à la table ronde étaient unanimes : le développement urbain durable ne peut réussir que grâce à l’interaction entre technologie, participation citoyenne et volonté politique.

Jumeaux numériques et exemples pratiques concrets : autres points du programme

Outre ses tables rondes d’expert*es organisées suivant la méthode du « bocal à poissons », le programme du Dialogue Franco-Allemand pour le développement durable présentait d’autres points axés sur la pratique et, pour certains d’entre eux, interactifs. Parmi ceux-ci figuraient les interventions de Boris Brandherm, Senior Researcher auprès du Deutsches Forschungszentrum für Künstliche Intelligenz (DFKI), et de Grégory Nain, co-fondateur et directeur des opérations de la société DataThings SA. Tous deux ont présenté un aperçu de la numérisation du secteur énergétique et de l’urbanisme, et montré comment les jumeaux numériques, l’IA et les processus participatifs peuvent contribuer dans la pratique à concevoir des villes et des régions plus durables. Dans son allocation au cours du dîner, le politologue et chargé de projet à l’Institut franco-allemand (dfi) Dominik Grillmayer a tenté de trouver des réponses à la question suivante : comment les objectifs climatiques de l’Allemagne et de l’UE en matière de transformation urbaine peuvent-ils encore être atteints ? Au cours d’une promenade guidée par Jörg Dietrich, biologiste diplômé et guide certifié du Parc national Hunsrück-Hochwald, les participant*es ont découvert que le parc en question était entre autres une résidence pour séniors abritant des hêtres pourpres. La visite guidée du campus écologique de Birkenfeld a, quant à elle, permis de mettre l’accent sur les approches alternatives et respectueuses de l’environnement qui sont non seulement enseignées, mais aussi mises en pratique sur place. Cette visite a également mis en lumière les méthodes de construction et les systèmes énergétiques durables de l’université qui a été élue « plus vert campus d’Allemagne » dans le classement Green Metric. Enfin, en clôture de l’événement, le duo de chansonniers « Hennich & Hanschel » a présenté un programme musical en français et en allemand célébrant l’humanité et la joie de vivre.

Bilan : un dialogue fructueux, de la diversité et des pas importants, bien que modestes, en direction de grands objectifs

La déclaration de clôture prononcée par Meike Kartes était sans équivoque : le développement durable ne se fera pas au travers de mesures isolées, mais par un échange continu et un apprentissage permanent. Rencontres, dialogue et courage à oser entreprendre de nouvelles démarches, même modestes, apparaissent rétrospectivement comme ayant constitué le fil rouge de cette manifestation. Les participant*es étaient unanimes pour dire que seules une coopération transfrontalière et la mise en avant d’exemples de bonnes pratiques permettront de réussir la transition vers une société durable et résiliente. Ou pour l’exprimer dans les termes de Meike Kartes : « Au final, ce qui compte, ce sont les rencontres, l’apprentissage mutuel et la construction de passerelles – que ce soit entre les cultures, entre les langues ou entre les différentes filières scientifiques. »

 

 

Voix du public

 

« Je suis très impressionnée par la compétence des intervenant*es, et surprise de constater la somme de connaissances déjà disponibles dans ce domaine et dont je ne suis pas toujours l’évolution en temps ordinaire. Je repars avec la conviction que cela vaut vraiment la peine de s’engager en faveur du développement durable et de mettre en œuvre des mesures concrètes au niveau communal. »

– Irmtraud Haffner, référente protection du climat de la ville de Merzig, participante

 

« Je souhaite que nous travaillions à l’échelle de l’Allemagne et de la France, ou même à l’échelle européenne et mondiale, afin de parvenir à mettre en place un développement durable qui ne se limite pas au secteur de l’électricité, mais englobe également le chauffage, les transports et les applications industrielles. »

– Eva Hauser, IZES GmbH, intervenante

 

« Nous devons réfléchir à trouver de bonnes réponses, mais aussi de bons arguments pour contrer les tentatives de certains qui souhaiteraient entraver les efforts visant à instaurer un développement durable. »

– Tobias Kranz, Université de Trèves / Lokale Agenda Trier, participant

 

« J’ai trouvé cela très enrichissant […] de ne pas se laisser décourager, mais d’examiner les solutions qui nous ont été présentées et de se demander comment nous pourrions les mettre en œuvre au niveau de nos villes et de nos communes. Et également à titre individuel dans notre vie quotidienne : que pouvons-nous faire concrètement pour contribuer activement à un développement plus durable ?

– Oleysa Kovalchuk, StudienStiftung Saar, participante

 

« Je trouve cette manifestation très intéressante et très instructive. Notre commune souhaitant atteindre la neutralité carbone d’ici 2030, il y a beaucoup d’idées à retenir pour informer les citoyen*nes de manière transparente. »

– Alexander Raphael, chargé des questions climatiques auprès de la commune de Rehlingen-Siersburg, participant

 

« Il y avait beaucoup de sujets différents. Certains ont davantage été abordés d’un point de vue de la biologie et de l’écologie, alors que d’autres touchaient plus à des questions sociales et sociétales, puisque tout est étroitement lié. Et cette interdépendance qui était encore plus présente ici du fait du caractère transfrontalier et franco-allemand de la manifestation, est un thème qui sous-tend en fait tous les aspects du développement durable. »

– Anika Adam, étudiante en master, participante

 

„Oui, vis ta vie, mais prends aussi soin de toi ! Veille également à ne pas tout miser sur toi-même, mais à investir ton travail et ton énergie dans des structures durables, pour que nous puissions tous vivre de manière plus durable. »

– Tobias Kranz, Université de Trèves / Lokale Agenda Trier, participant

[COOKIE_NOTICE]